Les origines du bain japonais   nav  nav

Le bain est une des rares pratiques japonaises qui ne viennent pas de Chine, mais qui aurait son origine dans un rituel de purification par l'eau en relation avec le culte Shinto: avant d'entrer dans un temple, il convient de se purifier. Le bain serait donc une pratique à associer à l'usage du sel, dont on dispose des petits tas devant les maisons ou les magazins également à des fins de purification.

Avant l'avènement des bains publics, les temples shinto furent ainsi les premiers endroits où les gens du peuples pouvaient se baigner. Il y avait deux sorte de bains: "yu" (littéralement l'eau chaude), le bain d'eau chaude et "furo" le bain de vapeur. Ces bains se trouvaient typiquement dans un batiment spécial dans la cour d'un temple, non loin d'un puit. Dans une première pièce, l'eau était chauffée dans une énorme marmitte au dessus d'un foyer. La vapeur qui en résultait était conduite par un tuyau de bambou dans une deuxième pièce, la "yu-ya", ou se trouvait également une grande cuve en bois ou en pierre, qui remplie d'eau chaude servait de bain.

Les premiers bains publics sont apparus dès le 8e siècle (période de Heian). Contrairement aux bains du temple, où l'on rentrait habillés d'un yukata blanc et où régnait le silence, les bains publics autorisent la nudité et le bavardage. Ces bains étaient alors appelé "machiyu", littéralement l'eau chaude de la ville.

Mais c'est surtout pendant la période de Edo (début du XVIIe - milieu du XIXe), marquée par le développement des villes, que le bain devint véritablement un lieu de détente et de plaisirs et que le nombre d'établissements de bains publics ("sentos") se multiplia. Concurence oblige, les sentos multiplièrent les services, ceux-ci allant de la restauration dans des salles de repos, à ceux moins innocents de laveurs (pour les femmes) et de laveuses (pour les hommes). Cette évolution en firent de véritables centres de la vie sociale.

Estampe Bain Sento
"Femmes au Sento" - Torii Kiyonaga (1752 - 1815)   

Le développement de la pratique du bain a d'autre part été favorisé par une attitude de tout temps libérale vis à vis de la nudité, notament dans les couches basses de la population japonaise. Cette attitude était fondamentalement différente de la pudibonderie qui prévalait en occident, où, à partir du moyen age, la nudité était condamnée par la religion chrétienne. C'est d'ailleurs avec l'arrivée des occidentaux à la fin du 19e siècle qu'apparut la séparation des sexes dans les bains publics japonais.

Aujourd'hui, le nombre de Sentos décline régulièrement. Outre la concurence de la salle de bain privée qui s'est banalisée dans les appartements, ces établissement ferment du fait de l'augmentation de leurs coûts et des investissements qui seraient nécessaires à leur rénovation.

A lire :
De Edo à Tokyo - Mémoires et modernités
de Philippe Pons
Gallimard (1988)

Image Edo à Tokyo Un livre qui passionnera sans-doute encore plus les personnes connaissant déjà Tokyo, ce qui leur fournit les points de repères nécessaires pour mieux apprécier la grande qualité et la richesse de cet ouvrage. Le bain n'en est bien sur pas le thème central, même si l'histoire des sentos fait l'objet de quelques pages. Le bain fait en effet partie de cet héritage de traditions qui constituent la mémoire de Edo, l'ancien nom de la capitale japonaise, traditions qui se perpétuent de nos jours, malgré la soif de modernisme du peuple japonais. Héritages, Continuités, intégration en une "modernité singulière", pour reprendre le terme de Philippe Pons constituent le fil conducteur de ce livre. Au delà de l'analyse très intéressante de ce paradoxe japonais, cultivant les traditions sur fond d'avidité de modernisme, ce livre est également une mine d'information et d'explications sur les mille-et-uns petits details du quotidien et sur l'évolution de la société du Japon.
Bain Ryokan - Estampe Hiroshige
Hiroshige
No 30 série kisokaido (détail)    





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